Personnellement, je ne pense pas qu'Eric Zemmour sera élu président en mai prochain. Cela dit, je ne suis pas devin et je pensais aussi que Biden ne le serait pas.
Maintenant, s'il est intéressant de voir un candidat issu de la culture médiatique se lancer à l'assaut de la magistrature suprême, j'avoue être plutôt circonspect vis à vis du personnage.
Excellent polémique, très bon analyste de la société française, mais la regardant parfois par un biais quelque peu tronqué comme on peut le voir dans Mélancolie française, un très bon bouquin mais qu'il ne faut surtout pas prendre pour un livre historique, Eric Zemmour interpelle et divise. Qui plus est, comme il est plutôt de droite, les médias de gauche (pléonasme) en rajoutent dans la diabolisation.
D'ailleurs, il suffit de se rendre compte sur les réseaux sociaux pour voir que, afin d'être sympathique aux yeux des autres en 2021, il suffit de se décrire comme anti-Zemmour. En 2020, il fallait être anti-Trump, de 2000 à 2008, anti-Bush, entre 2007 et 2012, anti-Sarkozy, en 1980 il fallait être antisocial et perdre son sang froid. Comme quoi, le politiquement correct ne date pas d'hier. Bon, vous pouvez enlever la chanson de Trust.
Redevenons sérieux et intéressons nous donc à Zemmour. A priori, il a tout pour séduire un néo-conservateur comme moi : il ne fait pas dans le politiquement correct, estime que l'Islam fait peser un danger sur le monde, que l'immigration n'est pas forcément une chance si les nouvelles populations refusent l'assimilation et que notre pays s'enfonce dans une spirale négative, où la politique se fait au coup par coup, mais jamais par anticipation et que, si rien ne change, rien ne dit que la France sera encore là dans une dizaine d'années.
Ca c'est pour le constat. Sauf que , à l'instar de pas mal de "critiques" de la vie politique, j'ai du mal à voir des propositions concrètes. Si annoncer l'immigration zéro ou un renforcement des pouvoirs régaliens face à la délinquance est évidemment une nécessité , quid de l'économie ? quid de l'éducation ? quid de la santé ? quid de la culture ?
La critique du système , ce n'est pas nouveau. Le Pen ou Mélanchon le font depuis des années. Sont-ils au pouvoir ? Ont-ils eu une chance d'y être ? La réponse est non car si un candidat "d'opposition" peut se retrouver au 2e tour, on sait que pour gagner la finale, il faut avoir une vision d'ensemble, quitte à promettre tout et n'importe quoi, comme le firent Hollande et Macron.
Pour moi, le dernier vrai président fut Sarkozy. Chirac se contenta de gérer le pays (et encore), Mitterrand mit en place une grande partie de tout ce qui fait la décadence actuelle. Je ne remonterai pas au delà, même si il est évident que la stature d'un De Gaulle (dont nous commémorons le décès ce jour) est à des années lumières des clowns que nous subissons depuis des décennies. Et même ainsi, les 5 années de la présidence Sarkozy ne furent pas à la hauteur des espérances. Très vite, trop vite, il se laissa embarquer dans le politiquement correct, refusa de lisser son image et n'appliqua pas le quart de ce qu'il avait promis. Résultat, sa tentative de séduire les médias se solda par un échec, une partie de son électorat se détourna et il fut battu par le plus médiocre socialiste jamais vu à savoir le sinistre François Hollande.
Critiquer le gouvernement actuel est chose facile. Après tout, depuis 4 ans et demi, l'équipe Macron accumule les erreurs, tromperies, déni de démocratie et j'en passe. Décrire l'état actuel du pays est également très simple : il suffit d'ouvrir les yeux et de dire la vérité. N'importe qui peut le faire.
Mais offrir aux gens de vraies solutions, une vraie perspective d'avenir, c'est déjà plus compliqué. Pour cela, il faut s'engager, faire des promesses que l'on sait pouvoir être tenues (et non pas de la démagogie qu'on s'empressera de jeter dès qu'on sera élu) et surtout ne pas caresser l'électeur dans le sens du poil. Ainsi, critiquer le permis à points , alors que l'on sait que ce système a, tout comme les radars automatiques, fait baisser le nombre de morts sur les routes, est hautement ridicule. Il y a des combats plus importants.
Le souci principal de Zemmour à mes yeux n'est pas qu'il est clivant - Sarkozy l'était et cela ne l'a pas empêché d'être élu - c'est qu'il fait déjà trop politicien, donnant son avis sur tout , et offrant donc du grain à moudre à tous ces détracteurs. Car, avoir un avis sur tout et n'importe quoi, c'est prendre le risque d'être trop vague, ou trop réducteur, voire d'être dans le faux. Prenons son discours sur les prénoms. Oui, s'appeler Jordan, Brandon, Johnny ou Kevin n'aide pas forcément à trouver du travail. Sauf que Jordan ou Kevin existent dans le calendrier. La St Kevin, c'est le 3 juin, c'est le 13 février. Même la St Brandon , cela se fête le 16 mai.
Du coup, les détracteurs n'ont eu qu'à faire un coup de Google pour dire "Zemmour raconte n'importe quoi" alors que le fond n'était pas là.
En se comportant ainsi, je le répète, Zemmour ne fait que donner du grain à moudre à ses détracteurs. Mais de toutes façons, il dirait tout le temps des choses totalement vraies que la gauche, le centre et la droite molle y trouveraient à redire.
On peut d'ores et déjà se préparer à une nouvelle présidence Macron. Ce dernier sait que s'il est opposé à Zemmour ou Le Pen au 2e tour, il pourra faire jouer le "réflexe républicain". Ca a marché, ça marchera toujours. La gauche devra forcément appeler à voter Macron contre le retour de la bête immonde. La droite "classique" , dont aucun des candidats LR ne me fait envie, fera de même, surtout après ce qui devrait être un laminage en règle. Au moins, Fillon était arrivé 3e avec 20%. Là, si un LR rembourse sa campagne et fait donc plus de 5%, cela sera un exploit.
Zemmour passe déjà pour un phallocrate (sa sortie sur les femmes et le football est d'une connerie sans nom), un raciste (ce qu'il n'est pas), un antisémite (un comble pour un Juif), un piètre historien (ce qu'il n'est pas, même si il n'est pas historien), un mec dangereux qui va apporter le chaos en France (c'est vrai que c'est vachement apaisé en ce moment). Si l'on en croit les médias de gauche (pléonasme encore), personne ne l'aime, ni les jeunes, ni les femmes, ni les artistes, ni les intellectuels... Bref, il est le repoussoir idéal.
Où est-ce que je veux en venir ? En fait, c'est que je ne crois pas à une présidence Zemmour. Ce qui me fait bien suer. Non pas que j'ai quelque chose contre Zemmour (je le répète, je le trouve intéressant , judicieux sur pas mal de points et , me semble-t-il , honnête) mais parce que je sais qu'il ne peut pas battre Macron. C'est impossible d'un point de vue mathématiques (avoir contre soi toute la gauche et une partie de la droite voire de l'extrême droite complique forcément une élection - Sarkozy en a fait l'expérience en 2012, Fillon en 2017) et d'un point de vue médiatique.
En fait, la droite paie ses erreurs depuis que Sarkozy a renoncé à faire le mandat "dur" pour lequel les Français l'avaient élu. Depuis, un boulevard s'est ouvert pour la gauche puis pour Macron. La droite va subir ce que le PS ou le PC ont subi : disparaître du paysage politique français. Et les élections intermédiaires seront dominées EELV ou le RN, sans que ces derniers n'aient vraiment accès au pouvoir.
Après, bien sûr, je peux me tromper. On a vu aux USA l'élection de Trump et de Bush contre toute attente, malgré une pression délirante des médias.
On a aussi vu que quand les règles électorales ne sont pas respectées, n'importe quel abruti peut devenir président comme l'a montré le vol ....heu l'élection de Biden.
En France, ne rêvons pas : Zemmour ne sera pas président, la droite sera laminée, Macron sera reparti pour 5 ans...
Mais bon, comme je l'ai dit, je ne suis pas devin.