Il y a quelques semaines, j'ai publié une vidéo de Yuri Bezmenov sur la manipulation de l'opinion. Ce dernier estimait que pour changer la mentalité d'un pays, il fallait utiliser les enseignants, mais aussi les créateurs. Le cinéma en fait partie. Et force est de reconnaître que Hollywood, à forte majorité démocrate, a grandement contribué à modifier la pensée américaine.
Je ne parle pas là des cinéastes ultra gauchistes comme Michael Moore. Si on fait exception de Farenlies 9/11, ses films n'ont pas obtenu une audience pharamineuse. Je parle d'un sentiment bien plus diffus, discret, qui applique à la lettre la doctrine "Avançons masqué".
Un petit exemple. En 2007 sortent deux films très différents. A la croisée des mondes et Transformers. Chaque film est prévu pour être le point de départ d'une trilogie. Tous deux sont issus d'un univers déjà connu : le livre de Philipp Pulman pour La croisée, les jouets Hasbro pour Transformers.
Les deux films disposent d'un gros budget (200 millions pour La croisée, 150 pour Transformers), d'une sortie mondiale, mais au final, les robots de Michael Bay vont laminer les aventures de Lyra, à tel point que les deux suites prévues pour La croisée ne verront jamais le jour.
Aux Oscars 2008, A la croisée des mondes prend sa revanche en obtenant l'Oscar des effets visuels au nez et à la barbe de Transformers, pourtant largement plus novateur. La critique, qui a descendu en flamme le film de Bay, ne tarit pas d'éloge sur celui de Chris Weitz et ne comprend pas pourquoi le public est allé voir les robots géants.
Pour comprendre, il faut donc regarder de très près l'idéologie des deux films. Transformers, sous son aspect blockbusters décérébrés, célèbrent les valeurs traditionnelles de l'Amérique : le courage, l'abnégation, le sens du sacrifice, la famille et l'amour. Il affirme aussi la valeur de l'armée américaine et le bien fondé de son engagement en Irak. Michael Bay a toujours eu d'excellents rapports avec l'armée. Celle-ci lui prête volontiers son concours à partir du moment où il la montre sous un bon jour. Le film est donc pro-militariste et ne s'embarasse pas de fioritures. A travers la guerre entre Autobots et Decepticon, Bay film surtout une alliance entre militaires américains et robots extra-terrestres contre une menace multiformes qui se fond dans la masse. Le 2e épisode ira bien plus loin dans ce concept.
A l'inverse, A la croisée des mondes , même s'il met de l'eau dans son vin par rapport aux livres, est une critique acerbe d'une société où la religion est puissante. Lyra n'hésite pas à bafouer l'autorité, y compris celle de ses parents. Les forces de l'autorité sont ici montrées comme des forces d'oppression et non pas des forces amenant la liberté. Le danger vient clairement du dogme religieux et l'athéisme est montré comme une force bienveillante, capable de ramener la paix dans les coeurs, alors que la religion de ce monde n'engendre que sectarisme et intolérance. Enfin, si dans Transformers, la famille est très "classique" (un couple marié, un enfant, un chien !), ici Lyra est le symbole d'une vision plus "moderne" d'une famille éclatée et séparée.
Deux visions donc de l'Amérique qui s'oppose. Mais au final, malgré le succès de Transformers, c'est bien A la croisée des mondes qui est censé resté dans la longue histoire du cinéma américain. Les récompenses aux Oscars sonnent peut être comme des hochets de rattrapage, mais à travers cet exemple, le tout Hollywood (y compris les journalistes) montre clairement sa vision de la société et influence petit à petit le public en introduisant, via des spectacles que l'on pourrait croire légers, une modification de la mentalité.
Je reviendrais sur ce point régulièrement sur le blog.