YOM HAATSMAOUT
Tous les fils d’Israël ne s’égarent
pas dans “l’air du temps”
François Célier
Par l’intermédiaire de l’article d’un
ami (1), je pris connaissance d’un
entretien exclusif du Yediot Aharonot,
sur six pages d’un de ses
magazines concernant Avindov
Begin, le petit-fils de Menahem Begin. Ma
première réaction je l’avoue, fut d’être
profondément navré par les paroles iconoclastes
de ce jeune homme.
Voici quelques-unes de ses paroles qui m’affligent.
Sic : “Je ne suis pas juif... Je ne suis
pas sioniste... Je ne me lève pas pour l’hymne
national. Cela n’a aucune valeur à mes
yeux... J’ai voulu appeler mon fils Wouagi,
du nom de mon ami palestinien dont le fils
a été blessé par une balle de Tsahal... J’aurais
souhaité qu’ils démontent la barrière de séparation
et que Wouagi puisse enfin travailler
sa terre. En conséquence je manifeste à
Billin... Mon grand-père n’a rien changé dans
les rapports entre Israël et l’Egypte. Il n’y a
pas de paix, c’est une illusion... Il y a entre
moi et mon père un désaccord complet...
Cela m’indiffère si mon fils intègre Tsahal.
Pour moi, il peut tout aussi bien intégrer
l’armée du Costa-Rica.”
Me revint alors à l’esprit l’article que
j’écrivis il y a trois ans de cela, au sujet de
son grand-père, à mes yeux de non-Juif,
un héros d’Israël. Cet article est toujours
dans mon actualité de pensée. Puisse ce
témoignage aider monsieur Avindov
Bégin à revoir son jugement hâtif, et ne
pas épouser les nuisances méphitiques de
“l’air du temps”.
Pourquoi “Begin me rendit
politiquement sioniste” ?
J’étais déjà politiquement sioniste par
l’esprit de la Bible, mais ce fut Menahem
Begin, homme hors du commun, qui m’a
fait voir l’image de ce que pouvait être un
Premier ministre israélien sioniste, habité
par une conscience vouée à la vocation
d’Israël. J’ai bien connu Itzhak Shamir,
rencontré Ariel Sharon, Itzhak Rabin,
Shimon Peres, puis Ehoud Olmert, et mon
désenchantement n’a fait que croître
jusqu’à l’indignation.
Depuis l’avènement de Binyamin Netanyahou,
l’espoir a refait surface dans mon
esprit. Je l’exprime tout net car, bien que
non-Juif, je suis un ami d’Israël depuis
trente ans, prenant parfois des risques (pour
ma vie, ou par mes prises de positions
m’amenant des problèmes religieux ou
relationnels).
Je voudrais rappeler le commentaire de
Yehouda Avner (ex-conseiller de quatre
Premiers ministres, dont Menahem Begin)
qui exposa l’attitude sioniste de ce dernier
face à l’hostilité crispée du président J.
Carter, alors maître de la première puissance
mondiale.
Petit homme à lunettes et vibrant de
conviction, Menahem Begin déclara alors
qu’Israël ne renoncerait ni à la Judée, ni à
la Samarie, ni à la bande de Gaza...
Irrité, le président Carter rétorqua :
“Monsieur le Premier Ministre, votre insistance
sur vos droits sur les Territoires et
Gaza peut être interprétée comme un signe
de mauvaise foi. Elle fera comprendre votre
intention de rendre permanente l’occupation
militaire de ces zones. Cela mettra un
terme à tous les espoirs de négociation. Il
ne peut y avoir d’occupation militaire
permanente de ces territoires conquis par
la force.”
Le Premier ministre lui répondit avec
gravité et grandeur d’âme : “Monsieur le
Président, je vais vous confier quelque
chose de personnel - non à mon sujet,
mais au sujet de ma génération. Ce que
vous avez entendu concernant les droits,
qui sont ceux du peuple juif, sur la terre
d’Israël, peut vous sembler académique,
théorique, voire discutable. Mais pas à ma
génération. Pour ma génération de Juifs,
ces liens éternels sont des vérités irréfutables
et incontournables, aussi anciens
que le temps qui s’est écoulé. Elles
touchent au coeur même de notre identité
nationale. Car nous sommes une nation
ancienne qui revient chez elle. Nous
sommes comme une génération biblique
de souffrance et de courage. Nous sommes
la génération de la Destruction et de la
Rédemption. Nous sommes la génération
qui s’est relevée de l’abîme sans fond de
l’enfer. Nous étions un peuple sans espoir,
Monsieur le Président. Nous avons été
saignés à blanc, non pas une fois, ni deux
fois, mais de siècle en siècle, encore et
encore. Nous avons perdu un tiers de notre
peuple en une génération, la mienne. Un
million et demi de ses membres étaient des
enfants, les nôtres. Personne n’est venu à
notre secours. Nous avons souffert et
sommes morts seuls. Nous ne pouvions
rien faire. Mais maintenant, nous pouvons
nous défendre nous-mêmes.”
Puis, après un temps de démonstration
de stratégie militaire, carte géographique
en main concernant les impératifs absolus
et nécessaires à la survie d’Israël, le Premier
ministre conclut : “Monsieur, j’en fais le
serment devant vous, au nom du peuple
juif : cela n’arrivera plus jamais.”
Menahem Begin était un sioniste digne
de ses précurseurs et de ses ancêtres
bibliques. Et quel tribun ! Sa pensée était
claire et sans ambiguïté. Je suis sûr que le
souvenir de son autorité naturelle, de sa
simplicité de vie, de sa loyauté indéfectible
envers son pays amène un grand nombre
d’Israéliens à soupirer.
Des hommes de sa trempe manquent
cruellement à la gouvernance du pays. Il
était le guide et le gardien d’Israël. Aucune
once de corruption ne pesait sur lui. Tout
son être était tendu vers la défense d’Eretz
Israël et en retour, celle-ci lui donnait la
force d’affronter ses adversaires ou les
“géants” de ce monde. Telle une lame
d’acier, sa détermination provoquait
parfois la colère des Arabes mais, dans le
secret de leur coeur, les forçait au respect.
Il se trouve, vu la modernité intellectuelle
de nos jours, que la gauche israélienne
et son intelligentsia pérore souvent,
palabre beaucoup, prend des vessies pour
des lanternes et s’entiche de n’importe
quels accords, même Mecquois, pourvu
qu’ils complaisent aux sirènes des médias,
aux versatiles opinions publiques et politiciennes
(qui méprisent en secret “ce petit
pays de m...”, Sic un diplomate occidental),
empêcheur de jouer dans la cour
des grands stratèges d’un monde déboussolé,
flirtant avec la peur d’une guerre
nucléaire.
Qu’aurait fait Begin de nos jours ?
Un nouvel Osirak sur l’Iran... N’étant
d’aucun parti politique, je m’interroge sur
les hommes de notre temps qui défilent
sur la scène tragique de l’actualité et je me
sens triste en évoquant M. Begin, triste
d’observer que personne de sa force de
caractère et de convictions ne se lève pour
raviver sa flamme sioniste. N’est-il pas
écrit dans la Torah : “Faute de vision, mon
peuple se meurt” ?
Venant de l’athéisme, depuis que la
conviction de l’existence de Dieu m’a
saisi, je fonde de grands espoirs sur
l’avenir et l’exemplarité du développement
d’Israël (notamment en éthique et
équité) sous le regard des nations.
En dépit de mon désappointement
actuel, cet espoir demeure dans mon esprit.
Il ne concerne pas seulement un mieux
vivre en paix pour Israël, mais également
l’immense aspiration de millions et
millions de Chrétiens tels que moi et d’incroyants
de bon sens, répartis dans le
monde (une réalité encore sous-estimée des
Israéliens). Je sais que nous avons tous le
profond désir du succès d’Israël, pas seulement
dans sa force militaire, économique,
ses milliers de brevets d’inventions, le
nombre de ses prix Nobel ou son admirable
éthique mosaïque et humaniste, mais aussi,
parce qu’Israël représente l’indéniable
attestation de l’existence de Dieu dans l’inconscient
d’une grande multitude d’hommes
et de femmes et, par là même, d’une
grande espérance messianique dans le
secret des coeurs. ■
François Célier, Pasteur sioniste. Ecrivain
(1) “Bon sang ne saurait mentir”, par Victor
Perez.
Menahem Begin, à Camp David, en 1978. (© DR)