Un commentaire sur un des précédents articles m’a remis en mémoire la série télévisée d’Albert Barillé « Il était une fois l’homme’ . Rendons donc hommage à une des séries les plus intelligentes de ces dernières décennies.
En 26 épisodes, Albert Barillé racontait l’histoire de l’humanité de la naissance de la Terre à la conquête de l’Espace. Originalité, le dessin animé (bien animé d’ailleurs) ne se focalisait pas sur les Grands de ce monde, mais suivait quelques personnages (Pierre, Le gros, leurs compagnes et leurs enfants, ainsi que Le Teigneux et le Nabot, les pendants négatifs) tout au long des âges. Les personnages étaient témoins ou vivaient les plus grands évènements de l’histoire des hommes.
En mettant en scène des gens simples, Barillé reprenait les techniques de l’école des Annales, écoles historiques qui s’intéressaient plus à la vie des humbles qu’à la chronologie. Mais, désirant fixer un cadre, il n’omettait pas les repères chronologiques via un petit personnage, une sorte de compteur affichant l’année en cours.
En petits modules de 4 minutes, regroupés en un grand épisode de 26 minutes, Il était une fois l’homme n’hésite pas à faire dans la culture intelligente. La plupart des données historiques passeront peut-être au-dessus de la tête des plus jeunes, mais qu’importe. L’humour permet de faire passer des notions très importantes et de voir comment l’homme va évoluer.
Autre qualité, l’écriture : les dialogues sont ciselés, jamais inutiles. Un exemple « Tu as été choisi pour servir l’armée de Charlemagne, l’ost si tu préfères » . En quelques mots, vient de passer la notion que l’armée carolingienne n’était pas une armée permanente, qu’elle réunissait les gens les plus riches du royaume, que l’action de la réunir s’appelle l’ost… Un travail de titan renouvelé durant 26 épisodes.
Réalisée à une époque où le politiquement correct n’était pas encore de mise, la série semble du coup bien audacieuse. La bataille de Poitiers est ainsi commentée « Charles Martel vient de sauver l’occident ». Ou alors, le baptême de Clovis est bien montré comme une opération de propagande. Le traitement de la Révolution puis de l’Empire ne s’embarrasse pas non plus de la repentance actuelle, surtout envers Napoléon. La série n’occulte pas les erreurs des dirigeants, évacue parfois en quelques images des évènements fondateurs (la vie de Jésus, la chute de Constantinople, la 2e guerre mondiale…) Et va s’attarder sur des passages moins connus : tout un épisode consacré aux Vikings par exemple.
La série insiste également sur les racines de l'Europe : la Grèce, Alexandre, Rome, le monothéisme... L'accent est mis sur les philosophes, les créateurs, les écrivains , souvent au dépend des militaires. Barillé a voulu faire passer l'idée d'une humanité qui avance plus par le progrès que par la conquête.
Par certains côtés, bien sûr, la série a vieilli. La connaissance historique a fait des progrès et certains dialogues seraient à revoir. Quand dans l’épisode IX « Les Carolingiens », Louis le Pieux est décrit comme un niais et que le commentaire nous dit que « la morale et l’instruction vont sombrer pour des siècles », on a envie de réécrire le texte. Il est vrai que le successeur de Charlemagne n’avait pas bonne presse dans les années 70. L'épisode sur la préhistoire aurait également besoin d'un petit lifting.
Le rythme est aussi parfois un peu lent comparé aux séries actuelles. Mais cette « lenteur » a en fait le mérite d’éviter le trop plein d’informations et laisse aux enfants de temps de respirer et de digérer les notions, parfois complexes.
Il y a quelques années, un éditeur a eu la bonne idée de rééditer en DVD toutes les séries Il était une fois… Un bon investissement pour ceux qui ont envie de faire passer l’histoire à leurs enfants. Ou qu’ils veulent tout simplement réviser.