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19 mai 2008 1 19 /05 /mai /2008 06:55
Grandpas m'a fait passer le lien de la passionnante analyse, sur le site Polémia,  d'un livre "La débâcle de l'école" qui, à n'en pas douter, ne sera pas sur la table de chevet des responsables des syndicats d'enseignement !! Il l'avait mis en commentaire. Je vous la redonne en article. 
L'ouvrage est la version écrite des propos qui se sont tenus lors du colloque « La finalité de l'école » organisé par l'association « lire-ecrire.org » dans l'hôtel particulier de la Fondation Cino del Duca de l'Institut. Une douzaine d'intervenants, dont plusieurs membres du GRIP [Groupe de réflexion interdisciplinaire sur les programmes] et du projet SLECC [Savoir lire écrire compter calculer] y prirent la parole afin de dresser un état des lieux du système éducatif français, du primaire au doctorat en passant par la musique dans les conservatoires nationaux et l'enseignement technique.
L'ouvrage est passionnant pour quiconque est préoccupé par la situation dramatique de l'école qui, après avoir été le fleuron de la République, n’est plus qu’un gigantesque fiasco. Laurent Lafforgue ouvre cette session en comparant la situation de l'école à celle de l'armée française de 1940. Il affirme que le déclin est, dans les deux cas, le résultat de politiques délibérées, de sorte qu'il s'agit bien d'une faute de commandement et cela au plus haut niveau, y compris celui de l'Académie des sciences. Liliane Lurçat, psychologue de l'enfance, dénonce « la rénovation totale de cet enseignement (l'élémentaire) par l'effacement du passé ».
L'un des grands théoriciens de cette révolution, J. Foucambert, entreprit de détruire l'école de Jules Ferry qu'il accusait d'être stérilisante – propos repris depuis par Bourdieu et même des prix Nobel comme Pierre-Gilles de Gennes – pour cela il théorisa la destruction de la discipline, du par cœur, du mérite et de l'émulation, de toute méthode synthétique. Ce sont ces directives qu'ont cherché à appliquer en leur temps Lionel Jospin et Claude Allègre. Ce dernier affirmait par exemple que, les connaissances devenant obsolètes en moins d'une génération, ce n'était pas vraiment la peine de s'évertuer à apprendre ; mieux valait « apprendre à apprendre – mais sans apprendre » ! Elle rappelle les propos de Durkheim « La discipline a pour fonction essentielle de faire des élèves des êtres civilisés », la période critique étant celle de l'école primaire. De sorte qu'une classe indisciplinée se comporte comme une foule : « L'individu perd sa singularité et se confond avec le groupe ».
Les pédagogistes ayant brisé l'esprit de discipline et donc la maîtrise de soi nécessaire à l'apprentissage, l'école est devenue un « lieu de vie ». « On a feint de croire que l'enfant est capable de gérer ses conduites », ce qui est faux ; d'où une escalade de démagogie et le règne de la violence. Marc Le Bris, instituteur et directeur d'école, montre dans son exposé les différentes méthodes d'apprentissage de la lecture en reproduisant des pages de manuels destinés aux tout-petits. Il est alors aisé de mesurer l'inanité des méthodes modernes. Son analyse comparative, remarquable par sa clarté, s'étend à l'apprentissage du calcul puis à l'apprentissage de la grammaire. Melle Marie Tesseidre témoigne, quant à elle, de ce qui se passe dans les IUFM, véritables camps de rééducation. Ce qu'elle livre de son « journal de bord » est effrayant !
Extraits : « On n'évalue pas des savoirs mais des compétences » ; « Vous êtes exposés à être crus par vos élèves. II faut éviter ce risque » (sic). « Donner à l'enfant la connaissance de sa langue, non pas seulement de cette langue usuelle qui suffit aux besoins de la vie (…) mais de cette langue littéraire, qui nous donne accès dans un monde supérieur. (…) Lui mettre en main, avec le goût de la lecture, le plus efficace instrument de l'éducation personnelle » : Félix Cadet, inspecteur général de l'enseignement primaire, 1887. Rappelée par G. Morel, professeur de français en collège, cette phrase semble sortie d'un autre monde. Aujourd'hui, après la loi d'orientation de 1989 et ses funestes 80% d'une classe d'âge au baccalauréat, on est obligé de donner des cours d'orthographe dans les écoles d'ingénieurs. L'enseignement de la littérature se résume à déterminer des « typologies » de textes : documentaire, narratif, descriptif, etc. En conséquence, beaucoup d'extraits d'œuvres classiques sont écrits en langage commun puisque la valeur littéraire du texte d'origine n'est pas à prendre en compte. Tout cela, joint à la proscription de l’étude de la grammaire et de l'orthographe, donne un public incapable de rédiger, totalement inculte, qui donc s'ennuie et conséquemment devient agité en classe et paresseux. Les lacunes en français se répercutent de façon dramatique dans l'étude des langues. Ne disposant pas de notions élémentaires de grammaire, il est quasiment impossible de faire acquérir aux enfants des notions d'une langue étrangère. De là des situations ubuesques, décrites par Mme Y. Lecloarec, comme dans le cas de l'expression « J'ai vu » où, parce qu’elle comporte deux verbes (puisque la notion d'auxiliaire est inconnue), ces derniers se mettront tous les deux au présent ou au futur. Pour d'autres adolescents, « J'ai joué » (I have played) est analogue à « J'ai faim » (donc : I have hungried !).
La faute revient également à la démagogie des manuels qui, à force d'affirmer « Dans cette leçon tu as appris à… », font croire à l'élève qu'il a appris sans travailler. « Pour avoir voulu rendre les élèves autonomes trop tôt on les a à jamais empêchés de le devenir. » Même constat au niveau du deuxième cycle universitaire où C. Kraft, professeur de physique des plasmas à l'Université d'Orsay, montre, exemples à l'appui, la langue invraisemblable qu’écrivent certains étudiants qui « décrivent des processus physiques comme l'aurait fait un enfant de dix ans ». Un autre enseignant rappelle que l'université organise des visites au Palais de la Découverte alors que lui-même (et l'auteur de cette note) s'y rendait seul à l'âge de treize ans. La plupart des enseignants du supérieur constatent la passivité de leurs étudiants qu'il faut prendre par la main d'un bout à l'autre d'une étude. Les étudiants n'ont plus du tout honte de reposer une question à laquelle le professeur a déjà répondu de nombreuses fois, tout simplement parce qu’ils ne se souviennent pas qu'avant eux trois ou quatre étudiants ont posé la même question, parfois dans l'heure précédente ; c'est dire l'absence totale de concentration pendant les cours. A la question « Pourquoi êtes-vous à l'université ? » beaucoup d'étudiants répondent simplement : « Parce qu'on a eu le bac. »
Etudier est simplement devenu faire acte de présence ; de même, photocopier ou télécharger est devenu synonyme de connaître ; la photocopie dispense désormais de l'apprentissage. Jean-Pierre Ferrier, mathématicien, explique dans son exposé extrêmement sombre comment les instances gérant l'enseignement des sciences constituent une véritable hydre à l'infinité de têtes, qui ne subsiste qu'en sécrétant de véritables supercheries scientifiques, notamment par une quête totalement illusoire d'interdisciplinarité. Les adeptes de celle-ci entretiennent la confusion avec « fournir un exemple tiré d'une autre matière » (il s'agit ici d'une illustration et non d'une tentative de faire avancer deux disciplines simultanément). De même est entretenue la confusion entre « méthode expérimentale » et « physique sans mathématique », comme cela s'est institué avec l’opération « La main à la pâte » dont le prix Nobel P.G. de Gennes fut un grand promoteur à l'époque C. Alègre. Pour tous les rebelles, la sanction est la même : être traité « d'arriéré » (G. Charpak, autre prix Nobel, vs. SLECC), accusation de « ringardise », de nostalgie « passéiste » à l'époque de la « modernité ».
Partout continue de sévir l'esprit « constructiviste », même après des décennies d'échecs. Parallèlement à une omniprésence de pseudo-mathématiques voire de mathématiques incohérentes (un comble !), on note la proscription de toute démonstration dans les programmes de mathématiques et ce quasiment jusqu'en Terminale. Tous ces professeurs du supérieur se rejoignent pour dénoncer la parcellisation, l'émiettement des enseignements dû à la multiplication des examens que l'enseignement en modules a engendrée et que la réforme LMD, imposée par l'UE, n'a fait qu'amplifier. L'article de Laurent Lafforgue, « Les savants et l'école », mériterait à lui seul d'être appris par cœur, tant se dégage la profondeur de pensée de cet immense esprit. La question à laquelle il tente d'apporter une réponse est : Comment des savants, ayant bénéficié d'un enseignement de qualité il y a trente ou même cinquante ans, ont-ils pu, au mieux, cautionner par leur passivité ce qui en principe est le moteur de leur existence : l'esprit ?
Comment des dizaines d'académiciens des sciences peuvent-ils en arriver à douter de l'importance d'apprendre le calcul (commission 2006) ? Si le constat est déjà désastreux dans les enseignements classiques, que dire alors de l'enseignement technique ? Pierre Périer, ancien secrétaire perpétuel de l'Académie de technologie, constate avec alarme qu'un tiers des patrons de PME sera à la retraite d'ici à huit ans, laissant des millions d'emplois vacants et que « les qualités humaines et intellectuelles nécessaires à un dirigeant d'entreprise sont aujourd'hui devenues rares chez les jeunes ». Il souligne le fait qu'aujourd'hui la plupart des enseignants des filières techniques n'ont pas exercé de métier et, de fait, ignorent le milieu auquel ils préparent leurs élèves. Il révèle que l'on constate, dans l'enseignement technique, une augmentation des problèmes de latéralisation et de l'inefficacité au travail manuel précis, sans doute consécutive à une mauvaise mise en place lors de l'apprentissage de l'écriture et de la lecture.
Même l'enseignement des arts n'est pas ignoré dans cet ouvrage remarquable, puisque Pierre Arago, organiste et compositeur, y dresse le bilan consternant de l'application des nouvelles pédagogies aux conservatoires nationaux de musique. Les commentaires des professeurs y sont dignes de l'Education nationale : « Je trouve ça sympa », « J'aime bien ; tu te fais plaisir ». Nous doutons que ce genre de commentaire soit courant au conservatoire de Moscou ou à l’Ecole de ballet de l’Opéra de Paris !
L'exposé de conclusion revient à Bertrand Vergely, philosophe et professeur de philosophie. Ce dernier analyse la crise de l'enseignement au regard de la crise intellectuelle qui sévit au XXe siècle dans les pays occidentaux (la crise de l'enseignement y étant générale). C'est pour lui une crise morale « marquée par la victimisation » : « Pour apprendre, il faut aimer la vie… Or, la vie n'est pas aimée. » Et d'enfoncer le clou : « Quand la vie n'a pas de sens, comment l'enseignement peut-il en avoir un ? ». In fine, l'ouvrage dresse un bilan sans complaisance et dramatique. De solution miracle, il n'en existe pas. Seul le combat quotidien des défenseurs de l'instruction pourra, après un long chemin, redonner à la France un système éducatif digne de ce nom. C'est à quoi s'attachent les membres du projet SLECC. Peut-être le changement de cap entrepris ces dernières années par les deux derniers ministres de l'Education nationale manifeste-t-il une certaine influence de ce projet. Nous ne pouvons que l'espérer.
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commentaires

J
Salut David, totalement d'accord avec les affirmations de ces extraits.Tous ces pseudos pédagogues des IUFM qui n'ont jamais enseigné feraient bien de le lire.Le système de formation des PE est absolument honteux, doublé d'une gabégie financière. Nous n'avons affaire qu'à des incapables qui cachent leur incompétence derrière un vocabulaire abscon comme "le triangle didactique", dont personne ne sait ce qu'il veut dire! Et que dire de toutes ces affirmations stupides comme quoi l'élève (heu pardon, l'apprenant), doit être au centre des apprentissages des apprentissages et qu'il construit tout seul ses apprentissages!Qui plus est ces IUFM sont des repaires de syndicalistes SUD planqués, qui ne méritent en aucun cas l'appellation universitaires : ces gens là dont une des particularités les plus sympathique est qu'ils n'ont jamais enseigné dans une école primaire, ou alors dans des écoles d'applications ultra favorisées, se prennent pour les rois de la pédagogie et sont arrogants vis à vis des étudiants, alors que leurs cours sont une ode au gauchisme et -le plus grave- dénué de tout intérêt.Jamais en fac les professeurs ne se seraient permis cela!Quand je pense que pendant des années ces personnes ont dénigré les instituteurs qui avaient le malheur de mettre l'accent sur les bases (calcul mental, exigence au niveau de l'orthographe), j'en suis écoeuré, car ces instituteurs méritent le nom de "maître".Ras le bol des Meirieux et autres didacticiens éloignés des réalités!J'aimerai avoir ton avis sur la question!Merci
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J
...une majorité de français soutiendrait les grévistes.Eh alors ? Ce n'est pas une raison pour ne rien faire et se coucher devant "la rue"...Arrêtons de d'éxagérer ce culte du majoritaire moutonnier. Très souvent on peut avoir raison seul contre tous.Ce n'est pas parce que 20 millions de gens affirment une connerie, que çà cesse d'être une connerie !
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D
Hé, c'est un peu aussi cela la France : on soutient les grèves (tant que cela ne nous touche pas) et on oublie de regarder la vérité.
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S
Ceci n'empêche pas que, d'après certains sondages, une majorité de français soutiendrait les grévistes et manifestants dans leur refus des nouveaux programmes du primaire : une majorité est donc d'accord pour que l'école continue à faire des analphabètes de leurs enfants.Quelle bande de t...s  :-(
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Z
En 20 ans, erreur de frappe...
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